Floods (inondations à Brisbane)
16 Janvier 2011, Brisbane.
Si on m’avait dit à l’ouverture de ce blog écrire un article intitulé “inondations” j’aurais bien rigolé et traité mon interlocuteur d’alienné. La suite prouve que la vie nous réserve parfois des choses inattendues…
A l’heure où j’écris l’article, la rivière à retrouvé son cours normal, et le grand nettoyage a déjà commencé. Il va y avoir beaucoup de travail pour remettre la ville sur pied. Et je ne parle pas des quartiers environnants et des villes voisines eux aussi durement touchés par la montée des eaux, les informations qui m’en sont parvenues proviennent des nombreux flashs télévisés. Les seules choses qui j’ai pu voir de mes propres yeux concernent la city, et c’est déjà très impressionnant.
Les choses ont débutées en début de semaine, les pluies intenses en amont ont donnés à des villes voisines des quantités d’eaux que les terres ne pouvaient plus absorber, déjà gorgées par les pluies qui sévissent depuis quelques semaines.
L’eau ne pouvant plus s’infiltrer n’a eu d’autre choix que de s’accumuler et d’inonder les plaines, provoquant des désastres, rivières en crues inondant et emportant tout sur leurs passage, maisons submergées, plaines transformées en étendues d’eau à perte de vue. Les medias ont relaté des vidéos amateurs de voitures emportées par des torrents comme de vulgaires morceaux de bois, de voitures (ainsi que leurs occupants) prisonniers (à demi ensevelis)sur un monticule de boue encerclé par les eaux, et de plaines transformées en étendues d’eau, avec pour seul vestige de civilisation des éoliennes surgies de nulle part.
Les dégâts en amont ont été importants, et les mines et cultures ont subis un fort préjudice lié aux inondations, ce qui va affecter l’économie de ces secteurs et les prix des matières premières, des dérivés, ainsi que de la nourriture. Au final il va falloir s’attendre à une hausse des prix dans les prochaines semaines.
Mais pour nous ce n’est que le début, toute cette eau dévale les pentes, rejoint les rivières affluentes de la Brisbane et la rejoignent finalement, augmentant son débit. Le niveau ici à la city va monter, et les prévisions sont au même niveau que les inondations de 1974. A l’appartement je suis rivé au poste de télévision, suivant la moindre mise à jour dans les prévisions, les colocs arrivent les uns après les autres, invités à quitter leurs entreprises.
C’est l’évacuation générale, les employés sont renvoyés chez eux avant que les transports ne soient touchés. On est mardi, et le niveau atteint déjà les planches de bois qui composent les chemins longeant la rivière, ceux là même qui j’emprunte habituellement pour mon footing. D’ailleurs je suis partis en faire un ce mardi sur le coup de midi (je me rappelle plus exactement de l’heure).
Départ de l’immeuble, pour longer la rivière ; je n’irai pas bien loin car une partie du chemin est déjà inondée. Les chemins de South Bank sont aussi sous les eaux. Je me suis arrêté à la Library pour aller sur Facebook, histoire d’essayer de rassurer tout le monde (en vain…) et j’ai rebroussé chemin. Cela m’a pris une heure, et c’est exactement le temps qu’il a fallu à l’eau pour grimper de 20 centimètres, rendant les chemins impraticables. J’ai fini mon footing les pieds dans l’eau. La sensation de courir dans l’eau est assez agréable, mais il ne faut pas oublier tout ce que la montée des eaux à déjà produit comme dégâts…
Arrivé à l’appartement les colocs sont déjà presque au complet, évacués de leurs entreprises. Tous rivés sur l’écran, les infos passent en boucle sur les dégâts et prévisions de niveau.
Le niveau atteint le lendemain est impressionnant, l’escalier en contrebas voit sa première série de marche recouverte. Regarder par le balcon est la première chose que j’ai faite dès mon réveil. Ce sera notre indicateur de niveau, visible depuis le balcon.
Le niveau restera stable la journée du mercredi, après la grosse montée de la nuit précédente. En fin de journée je suis allé à South Bank à pied, observant les quais submergés, les arrêts de ferry frappés par le courant, et la grande roue les pieds dans l’eau.
Le pic est attendu à 4h du matin le lendemain, c’est-à-dire jeudi. Il faut souligner l’importance des marées, les périodes de montées sont accélérées lors de la marée montante, ce qui fait que le niveau augmente surtout la nuit, nous réveillant chaque matin sur la vision d’une rivière toujours plus menaçante.
Une autre chose à souligner et surtout très impressionnante, ce sont les quantités incroyables de débris en tout genre drainés par la rivière, sa couleur marron, et son débit et la vitesse de son écoulement. Toutes sortes de débris, des quais, des poubelles, arbres, bateaux arraché dérivant au gré des courants… le nombre de débris, parfois grands, est étonnant. C’est en les regardant qu’on imagine la force des inondations qui se sont produites un peu plus haut. Certains débris trop haut se sont fracassés contre le tablier de certain pont rendu trop bas par le niveau inhabituel de l’eau.
Jeudi matin 4h c’est l’heure du pic, et à 9h le niveau est déjà redescendu à celui du jour d’avant, laissant à des endroits des traces de boues, seul témoignage de l’eau qui y est passé. C’est une ville morte qui s’offre à nous, et je n’ai rien fait de ma journée, mon entretien était prévu aujourd’hui, mais sera finalement annulé car il devait se passer dans un des endroits les plus touchés, à coté d’Ipswich. Ma seule sortie sera à la gare pour me rendre compte que tous les trains sont en services réduit, voir annulés, et ma séance de sport.
Vendredi c’est la décrue, l’eau baisse aussi vite qu’elle est montée, laissant surgir des quais recouverts d’une épaisse couche de boue, et des restaurants dévastés. La faculté de résilience des Queenslanders va être mise à contribution, et les opérations de pompage, nettoyages et réparations ont déjà commencé.
C’est une expérience un peu hors du commun que j’ai vécu ici. Voir la rivière sortir de son lit, avec une telle puissance, ainsi que les dégâts qu’elle a occasionnés était impressionnant. Sachant qu’elle est seulement à 30 mètres de mon immeuble, j’ai eu un peu peur de devoir être évacué dans l’un des camps organisés. Heureusement l’immeuble est un peu en hauteur, et il aurait fallu 1m de plus (ce qui après réflexion est peu), pour que l’eau arrive à son entrée. Ce qui était le plus risqué n’était pas vraiment l’eau finalement, mais le fait de se retrouver isolé, sans électricité ni eau, et sans provisions. Heureusement cela ne s’est pas produit, même si pendant un moment le centre ville était encerclé par les eaux et transformé en ilôt.
Le bilan de ces inondations est de 15 morts, 55 disparus, au moment où j’écris. Les dégâts sont importants, et l’état va mettre du temps à s’en remettre (mais il s’en remettra).
Maintenant il serait un peu temps que le temps change, qu’il revienne à la normale, depuis que je suis arrivé il n’a jamais fait vraiment beau une semaine entière, ce qui est peu commun ici…